KIM NOORDA ©FYKIMNOORDA

WE'RE ALL FUCKING MAD HERE. « He killed me. Again. I died. Again. Blood everywhere. Again. Over, and over, i'm dying. And I live again, with him. Il me tue chaque nuit. Baby, why did you kill me again ? »
C'est un service 24/24, 7/7. On appelle le soir, en général, mais parfois on travaille de jour aussi. Accompagner, sourire, rire, jouer la comédie. Suivre dans la chambre, se laisser déshabiller, et échanger son corps contre de l'argent. Savoir, détester, se détester, détester les autres, vouloir sans pouvoir. Marcher la tête haute, cacher son identité, garder l'attitude fière pour remballer les mauvaises langues, ces mauvaises langues qui ne disent que la vérité. J'suis une pute, mec. Et probablement trop chère pour toi.

friendorfoe →

18 →

le plus souvent possible →

j'ai du mal à trouver des gifs

©PEPPERLAND

DREAM. Comme la lumière au bout du tunnel, les étoiles apparaissent une à une, d’abord rapprochées, puis partout dans le ciel. La lune, énorme, souriante, fait un clin d’œil. Elle flotte jusqu’à sa surface poudreuse, douce, la Terre derrière n’est plus qu’un souvenir. Elle respire parfaitement, l’air doux de l’univers. Ses cheveux blonds s’étalent doucement dans tous les sens, comme si elle était sous l’eau. La Lune est veloutée sous ses pieds nus, ni froide ni chaude. Elle y court, y vole, fait un ange dans sa poussière argentée. C’est ça, la vie. La Lune, Mars, Jupiter ! Pourquoi pas Pluton ? Elle tourne sur elle-même. Ferme les yeux, se réveille dans un lit moelleux, aux côtés d’un homme charmant. Son mari. Elle lui sourit, se lève, recoiffe inutilement ses boucles parfaites et regarde ses enfants, attendrie. Elle pourrait les regarder comme ça toute la journée. Leurs boucles brunes, leurs yeux clairs, leurs joues rebondies. Entendre leurs petits rires malicieux encore et encore, comme sur un disque rayé. Et un jour, les emmener sur la Lune, faire un tour de la galaxie et nager au beau milieu de la voie lactée. Cueillir les étoiles, les mettre dans un panier, et les garder dans de petits bocaux pour éloigner l'obscurité. Elle sourit, sort de la maison, pieds nus dans l'herbe. Elle traverse le jardin et franchit la porte de bois. L'herbe haute l'entoure. Le soleil. Le vent. Elle se sent pousser des ailes, retourne toucher le firmament du bout des doigts. Un pique-nique, une fête foraine, le cirque. Les images tourbillonnent à une vitesse folle, comme un film sur avance rapide. Elle y voit sa vie et éclate de rire. Elle fait des couronnes avec les grands brins d'herbe, et les pose sur la tête des bambins qui courent et crient à ses côtés. La gravité disparaît, elle peut voler, et apprendre à ses enfants à voler de leurs propres ailes.

Le soleil se couche, inonde le ciel et les champs de rouge et d'or. Et la Lune revient, sourire aux lèvres. Et elle lui sourit en retour. Elle rentre à la maison, retourne dans l'univers par la porte de devant.

Et il apparaît.

©PEPPERLAND

NIGHTMARE. Marcher dans le noir, se diriger à tâtons. Le silence absolu, lourd comme du plomb. L’air crasse, difficile à respirer. Ce besoin si urgent d’avancer. Courir sans pouvoir bouger, les pieds enfoncés dans le vide, la tête à l’envers et le cœur en déroute. L’obscurité, l’ombre, les fantômes, les voix, les mains invisibles qui agrippent et déchirent, attaquent, coupent, arrachent. Ne rien voir et tenter de courir quand même, tomber, s’étouffer, sans jamais voir la lumière au bout du tunnel. Être pris à la gorge, bousculé, frappé, enfermé. Les poignets liés, bâillonné. Aveugle, sourde, muette, sans pouvoir crier sa détresse. Hurler à s’en arracher la gorge sans produire un son, et couler, couler au fond d’un lac, au fond d’un lac de sables sans pouvoir nager. Fermer la porte du placard, regarder sous le lit, et surtout, laisser une veilleuse allumée. La radio dans un coin diffuse un poste de musique classique, toute la nuit. Le noir, le vide, l’absence. L’abandon. Pas encore, jamais une autre fois. Plutôt mourir, s’ouvrir les veines, se tirer une balle dans le crâne. Tout sauf la solitude, tout sauf le vide, tout. Tout plutôt que de n’être qu’une nuit sans étoiles. « J'arrive plus à respirer, sors-moi d'ici. » Parce que quand les murs se rapprochent, c'est la fin du monde. Trop coincée, prise au piège, l'oxygène vient à manquer. Étouffer au milieu des autres, entre quatre tout petits murs trop rapprochés. Crise d'angoisse, panique, envie de crier et besoin de fuir. Respirer les grands espaces, le vent, la mer, mais jamais, au grand jamais, rester prise dans un petit carré gris et sale, un bloc pareil aux autres, asphyxiée. « Je vais vomir, je veux pas voir, enlève ce truc de mon bras ! » L'élastique qui coupe la circulation, l'aiguille empoisonnée qui pénètre dans ses veines. C'est la débandade. Ne pas fuir pour ne pas se blesser plus. Penser à autre chose, au Soleil et à la Lune, pour oublier le métal froid et insensible qui perce sa peau dorée. Envie de crier, de se secouer dans tous les sens, de frapper, griffer, mordre. C'est la panique. Plutôt ne rien voir, plutôt l'oubli bienfaisant de l'inconscience. Face à la peur, deux solutions: la Fuite, ou l'Attaque.

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FANTASY AND REALITY. YOU. FUCKER. I'M GONNA FUCKING KILL YOU. KICK YOUR FUCKING ASS AND MAKE YOU EAT YOUR FUCKING BALLS YOU MOTHERFUCKER.
La lumière avant explose, éclatée par la batte de baseball qui vient de la frapper violemment. Un coup de biais décapite le capot du jaguar bondissant qui y était perché, tandis qu'une autre frappe vient rendre la symétrie au devant de la voiture: les deux phares ne sont plus que deux trous bordés de verre cassé. La calandre y passe, puis les portières, dans lesquelles la batte d'aluminium laisse de grosses traces exemptes de peinture. « Look at this baby ! Now you can change the color of your FUCKING CAR. » La vitre conducteur tombe en morceaux, la porte s'ouvre, le lecteur CD est arraché. Mis dans un sac, ça se revendra bien au marché. Un canif s'occupe des sièges en cuir, et coupe les ceintures de sécurité. Chaque pneu reçoit sa part, les objets de valeur du coffre à gants rejoignent le lecteur de CD, les dernières vitres explosent et parsèment les sièges d'éclats de verre.

La clé cachée sous le paillasson se retourne contre son propriétaire. Porte déverouillée, vandale entrée. La télévision passe par le balcon et s'écrase sur le sol, l'écran volant en mille morceaux. Une lampe sur pied, dans un coin de la pièce, fracasse un cadre hors de prix et l'envoie valser sur la céramique immaculée de la cuisine. Le contenu du réfrigérateur tapisse les murs, les draps sont déchirés au couteau, les assiettes décorent toutes les pièces de l'appartement de porcelaine bleue. Les coussins du canapé sont éventrés, le bain déborde, les produits de toilette sont renversés aux quatres coins du salon. Un coeur en rouge à lèvres dans le miroir, un baiser vermeille comme signature.

Un pont, des excuses, un refus. « Je suis une pute, c'est mon métier. Tu es une pute, c'est une insulte. » Une claque, un cri, une poussée violente. « C'est le moment où jamais d'apprendre à nager. » Le bruit d'une chute dans l'eau, tourner les talons et puis partir, partir sans fuir, la tête haute et le sourire aux lèvres.
PAYBACK IS A BITCH, BITCH.