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DREAM. Et il sombre. Niels Vaughn, premier fils d'une longue liste d'enfants recoupant toutes les ethnies imaginables et possibles. Une photo de famille ressemblant à une putain de campagne de pub pour l'Unicef. Père était un grand séducteur, il avait du charisme, savait manier l'art oratoire pour manipuler les foules certes mais était surtout le maître procréateur. Convaincu d'avoir été touché par le doigt de Dieu et d'avoir été incombé de la tâche divine de créer autant d'enfants qu'il lui était possible d'en faire, il s'était toujours posté en fervent défenseur des valeurs les plus conservatrices tout en prônant l'égalité et le libéralisme des moeurs. Ainsi, il assurait son influence sur toutes les couches sociales possibles, en parvenant à faire passer sa secte pour un courant philosophique libertaire du christianisme. Le doigt de Dieu, il se l'était plutôt fourré profondément dans le cul. Loin d'être bon à enfermé dans un asile, Père était un génie, il avait tout planifié, calculé. Maitre de la manipulation et tour à tour, père aimant et père fouettard, il était pourri jusqu'à la moelle. Niels le détestait. Même gosse, il avait déjà envie de lui déchirer des entrailles et de danser autour de sa carcasse putréfiée. Feu de joie. Ses sourires hypocrites le dégoutaient, ses mensonges éhontés lui donnaient la gerbe : un père parfait, un mari parfait, un messie parfait. Mon cul, c'était rien que de la comédie, il aurait pu faire carrière à Hollywood si l'industrie du Christ n'était pas aussi fructueuse. Niels l'avait vu de ses propres yeux, sa face cachée, son autre facette à son Père le magnifique. Il l'avait vu se rouler dans ses billets de banques en riant comme un désaxé, se faire une ligne de coco avant la messe du soir, se branler pendant que deux de ses plus jeunes femmes se touchaient.
Et Niels riait, il riait noir, se délectait de la joie de son géniteur, imprimait son air ravi longtemps dans sa mémoire car il savait que son heure arriverait bientôt, qu'il tomberait de son piédestal. "Vaughn", ce nom n'était qu'une vaste fumerie. Niels était le fils officiel, sa mère, la seule épouse au regard de la loi. Elle avait eu la (mal)chance de ne pas être assez fertile, de ne pas lui avoir donné d'autres progénitures. Niels était donc seul porteur du poids du nom, du poids du non, incapable de renoncer à son héritage, et ça le rendait malade. Il aurait pris la place d'un de ces bâtards sans se faire prier, pour pouvoir se soustraire et disparaître dans le néant. Une communauté perverse qui ingurgitait son innocence.
Et dans sa chambre, il y avait ce miroir. Sans ornement quelconque, un simple bout de miroir dans laquelle Niels se regardait longuement chaque jour. Et ce qu'il voyait le dérangeait. Plus il grandissait, plus ses traits prenaient ceux de son père. Mais contrairement à lui, Niels nourrissait en lui un monstre d'amertume et de haine. Un jour, son reflet lui demanda ce qu'était son voeu le plus cher. Il répondit : Tu le sais très bien, je veux que tu me libères... Je veux que tu le tues. La voiture de Père se crasha contre la croix de l'église quelques jours plus tard. Accident. Terrible accident. La communauté était en deuil mais en bons croyants, les membres attendirent sa résurrection. Même après la dissolution de la secte, ils continuent de croire aujourd'hui encore que le messie reviendra pour leur ouvrir la voie. Bande de cons.
Il se réveille, un sourire aux lèvres, rêves d'enfants et songes langoureux. Ô nostalgie !

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NIGHTMARE. Sommeil paradoxal. C'est un désert de sable noir qui l'attend, il marche parce que son instinct primitif lui dit de marcher et pourtant, ce que l'on pourra appeler "raison" dans son cerveau malade lui susurre qu'au bout de cet infini, il n'y a rien, si ce n'est la démence et l'abomination personnifiées, qu'il ne pourra jamais en revenir, que le mal guette. C'est chez moi alors dit-il et la voix se tait. Et il marche, pieds nus dans cette noirceur abyssale où le silence est roi. Bientôt, il aura marcher l'équivalent de mille ans mais il n'est pas fatigué, ses pointes de pieds frétillent, commencent à s'échauffer, il regarde le sol et c'est un miasme immonde qui s'est formé. Des milliers de mains pareilles à celles de démons sortent des ténèbres et l'attrapent, l'enserrent jusqu'aux os qui craquent et cèdent. Deux tonnes de pression. Et il coule, ses jambes s'enfonçant inexorablement, et il coule tête la première, avalant au passage cette bouillie noire, mélange de charbon, de cendres, de sang et de merde. Il a envie de vomir, mais ce qu'il vomit, il l'engloutit de nouveau. Cercle vicieux. Mais c'est elle qui finit par l'avaler, le gober tout entier dans son ventre maternelle. Voilà que ses sucs commencent à le digérer, sa peau brûle et se consume. Acides. Black out. Et quand il croit que sa fin est enfin arrivée, il rouvre les yeux. Des pavés blancs, gris, asphalte glacial, son corps nu reposant à même le sol dans une position fœtale confortable. Mother, what did you do to me ? Il se relève et voit au loin une immense demeure, château de conte de fées version macabre pour les enfants dérangés. Is it home ? Il gravit les marches d'une traite. INFERNO, en lettres d'or écrit sur la porte couleur ébène. Avec une tendresse qui lui est inconnue, il effleure l'inscription et soudain, la maison l'aspire en son sein. Traquenard. Une pièce avec trois portes, pour chaque côté, dilemme, laquelle prendre ? Il prend celle à sa droite, la porte se referme sur ses pas. Il arrive dans une pièce en tout point identique : même papier kitsch, mêmes aquarelles de fleurs accrochées aux murs, mêmes meubles d'époque, même chandelier qui se consume au centre de la table ... et même foutues portes en bois de part et d'autre. Il prend à gauche cette fois, débouche sur cette pièce encore. Affolement. Il se met à courir, à ouvrir les portes à la volée, avec une rage grandissante à mesure où il découvre qu'il s'agit encore et toujours de la même pièce. Cette pièce qui le rend malade. Nausée. Il tente vainement de rebrousser chemin mais tout se ressemble, tout se confond, il a envie de chialer comme un gosse. Confusion. Enfin, il arrête de s'agiter, le souffle court, le pas chancelant. La rage bouillonne en lui, c'est le monstre qui s'éveille. Il se jette sur les murs pour en déchirer le papier, s'agrippe si fort aux meubles qu'il s'en arrache les ongles des mains. Et ce putain de chancelier qui se fout de sa gueule. Il s'en saisit, le balance à travers la pièce. Le papier peint prend feu mais il n'en tire aucune satisfaction car sous ses yeux, c'est un ballet étrange qui a débuté. La pièce flambe, retournement de temps, elle redevient intacte avant que sous ses yeux, il ne se voit saccager la pièce et y mettre le feu de nouveau. Boucle perpétuelle. Folie.
Des murmures, de douces prières chuchotées qui font trembler les murs de l'immense demeure. Il les entend qui résonnent dans son crâne, se calent au rythme de son myocarde et montent le long de sa colonne comme des milliers de chenilles venimeuses. Bonheur, paix, argent, amour demandent-elles. Pour leurs familles insipides, leurs amis hypocrites, leurs maris mal baisés, putain mon cul, des conneries égoïstes, se donner bonne confiance parce qu'on a peur de la mort, de vivre une vie pathétique et misérable faites de médiocrité, je leur en donnerais du bonheur à en fourrer, moi. Les murmures se multiplient, se chevauchent et s'enchevêtrent, de plus en plus fort. Et il sombre, dans les abîmes qui l'abiment. Il tombe à genoux, crie, hurle à s'en déchirer la mâchoire mais les sons qui crissent de ses cordes vocales s'envolent en spirales de sa bouche et viennent s'éclater contre les murs sombres et froids qui l'emprisonnent. Et un rire explose dans ses tympans, glacial et moqueur, une nouvelle porte du manoir se déverrouille. Il s'en approche dans un dernier espoir. Église. Lumière qui transperce l'oeil et parfum de piété. Viens mon fils, un homme se tient au bout de l'allée. Et tu ries, parce que tu reconnais ton père. Portant une tenue de pape extravagante, il t'attend les bras ouverts. T'as l'air con. Son regard sévère se pose sur toi. Une puissance indéniable te force à s'agenouiller, l'échine courbée sous le poids de la culpabilité. Pardonnez-moi mon père, j'ai pêché. Niels, en tant que fils unique de la première femme de ton père, premier fils du Grand Gourou, tu portes un poids, un monde sur ton épaule. Ne comprends-tu pas les responsabilités qui t'incombent ? Mon fils, tu sais ce que tu dois faire pour expier ta faute. D'un geste mécanique, tu t'empares du fouet qu'il te tend, et toujours nu sans que tu n'en éprouves aucune honte devant celui qui t'a engendré, tu te mets à te mutiler, lacérant, ton dos, écorchant la chair qui vole par morceau avec ce bout de dévotion. J'ai sali, souillé, abimé, mutilé, déshonoré, profané.
Fils de gourou, de charlatan, de connard nombriliste manipulateur et opportuniste ; tel père, tel fils hein ? Ton père est pareil à un Dieu, leur grand Messie à eux, ces faibles et insignifiants insectes qui paient pour qu'on leur murmure des contes à l'oreille. Et dans tes veines coulent son sang, alors note ! Toi aussi tu es un Dieu, à l'échelle d'une fourmilière. Celui que tu veux. Le Dieu du néant, du vide, du rien, de l'absence. DU ZERO. In nomine Patris et fillii et Spiritus Sancti. Holy shit & Amen.

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FANTASY AND REALITY. Ramène ton cul au manoir. Cobaye en phase 4, plus besoin d'être poli et aimable. J'ai besoin de voir, de parler à quelqu'un sinon je sens que je vais devenir fou. Ça peut être n'importe qui tant que je ne suis pas seul dans ce manoir qui me répugne, que j'ai envie de brûler mais j'en suis incapable, trop d'esprits à exorciser. DING DONG. La poupée arrive. Elle est défoncée, elle titube, me sourit comme une aliénée. Elle s'avance pour m'embrasser mais je détourne la tête avant qu'elle ne pose ses lèvres bleues dégueulasses de junkie sur les miennes. A la place, je lui prend la main et je l'emmène. Pathétique, elle m'ennuie déjà, elle n'aura pas tenu longtemps celle-là. Elle tombe lourdement, je la rattrape avant qu'elle ne pète un de ses vases ming hors de prix, et elle s'écroule sur le fauteuil le plus proche dans un état second, la bave aux lèvres et les pupilles dilatées. En héritage, j'avais reçu le bien immobilier le plus élevé, le manoir Vaughn ou comme l'appelait les intimes, le "V". 158 pièces, dont 33 chambres et autant de salles de bains, 11 cheminées, piscines, garages, terrain d'une dizaine d'hectares et petites particularités qui a longtemps fait la fierté de Vaughn père, quelques bizarreries singulières comme des portes sur le vide, des escaliers qui mènent vers nulle part, des pièces avec meubles collés au plafond, des fenêtres sur le sol... Maison des horreurs, maison de fous, merveilleux hommage à la maison Winchester de Californie que l'on dit hantée. Mais le "V" avait ses propres fantômes, son propre monstre.
J'y avais déjà organisé les pires tortures, les plus folles sauteries, les plus lubriques orgies, et pourtant, j'avais installé mes quartiers dans une seule aile du manoir qui faisait à la fois office de chambre, de salle de bain, de bibliothèque et de bureau. Le reste de la propriété me rendait mal à l'aise. Je ne pouvais y mettre un pied sans y ressentir la présence d'esprits torturés et délaissés. Sans ressentir une vague de tristesse et de mélancolie m'enserrer les tripes. J'en dégueulais littéralement. La poupée s'éveille, elle regarde la pièce en clignant des yeux puis saute sur ses pieds et se met à courir : Niels fais moi visiter ! Un rictus de dégout s'empare de mon visage, je la regarde frétiller comme une gamine, toucher à tout. Pas le tableau ou je te coupe les doigts. Ta maison est tellement immense ! J'comprends pas que tu puisses vivre que dans cette pièce, t'es vraiment bizarre des fois. Je la fusille du regard, mais je la ferme, sinon je pourrais bien la réduire en morceaux et faire un wok avec. Déjà que je suis incapable d'appeler le manoir, "ma maison", cet insecte insignifiant qu'elle est vient me balancer ma faiblesse en pleine face. Je suis incapable de beaucoup de choses en fait, ça me rend fou. Je lui demande de s'asseoir, je sors le charbon, elle a les yeux qui pétillent. Je l'allume, première bouffée. Je me sens bien. La Black Meat parcoure mon système respiratoire, fait un looping dans ma poitrine et vient se crasher dans mon cerveau. Les bouffées s'enchaînent, les horloges s'affolent, la pièce tourne, je suis dans une machine à laver, 18000 tours/minutes, 350°, mode séchage rapide. Me voilà tout beau, tout propre, tout frais. J'explose de rire et on me répond en écho. Je crois que je suis debout, je sais plus très bien. Je sens une main me tirer, c'est elle, on y va me crie-t-elle. Mais c'est moi qui prend les rênes, on traverse l'espace/temps, on croise un connard qui nous klaxonne sur une licorne, on se retrouve sur une plaine sans que je comprenne comment on a pu arriver là. Je la regarde, elle est belle, lumineuse, on aurait dit un ange, loin de la junkie de tout à l'heure. Je veux qu'elle arrête de sourire cette pétasse. J'agrippe son poignet violemment, elle sait déjà ce qui l'attend, elle ne dit rien. Son visage entre mes mains, je la regarde l'oeil avide, l'appétit excite mon palpitant. Ses lèvres tremblent de peur, des lèvres roses et pulpeuses, délicieuses. Je les attrape avec ma bouche, les mord, elle étouffe un cri de stupeur et de douleur, ses habits tombent tout seul, je pénètre en elle sans avoir été invité. Mais elle disparait, et je disparais à mon tour.
Je me réveille seul dans une ruelle sombre, je tremble, ma tête va exploser, je sais pas où elle est, la sueur coule le long de ma colonne vertébrale, j'ai du sang sur les mains. Le mien ? BAD TRIP, BAD TRIPES.