the district sleeps alone tonight.

Ma vision était trouble. Tout n'était que d'un bleu délavé, couleur uniforme et désenchantée. Quelques taches vertes pommes venaient de temps à autres obscurcir un peu plus le tout alors qu'un léger soupir s'échappait de mes lèvres. Je voulais voir les nuages, les toucher des doigts, me sentir léger comme une plume, que plus rien ne me retienne à cette terre que je jugeais bien trop sauvage à mon gout. Et puis surtout, je voulais qu'il me voit, qu'il pose simplement son regard sur moi et qu'il comprenne. Que d'une simple éraflure il comble toutes mes attentes, tous mes désirs. Cela aurait été bien trop simple. Alors, j'avais choisis de me laisser rouler, le long de cette droite verticale, sans fin. Je ne me demandais pas où j'allais pouvoir atterrir, je le savais déjà. Au bout, il y avait la mort, le réveil brutal que la plupart d'entre nous attendait, le retour à la vie réelle, au train quotidien et mille et une roses. Je me sentais faible face à tout cela et pourtant tellement dépendant de ce qui en était ma hantise. Mais lorsque mon corps se fracassa enfin contre le plafond, rien. Rien d'autre qu'un soupir, même pas une douleur, même pas de sang ni de souffrance quelconque autre qu'une lassitude apparente. Alors je m'appuyais sur mes deux paumes pour relever mon torse et balayer l'horizon d'un regard blasé. C'était simple, tout était trop simple. Le temps était magnifique, les oiseaux inexistants et l'eau rayonnante. Pourtant, je sentais le mal derrière toute ces apparences, le mal, au degré le plus intense qu'il puisse avoir. Cette invisible pénombre m'étouffait, me rendait malade, inconfortable néant qui me dévorait de l’intérieur. Mes paupières battirent une fois, peut-être deux alors que je relevais mes manches une à une. Sans que je ne sache réellement pourquoi, cette chaleur m'était insupportable. Je décidais alors de me relever, baissant mon regard sur ma chemise que je déboutonnais jusqu'à sa basse extrémité, avant de relever les yeux et d’apercevoir devant moi une silhouette. Elle était de celles que l'on n'a pas envie de découvrir dans l'immédiat, de celles dont on veut en détailler chaque détail avant qu'elle n'en dévoile sa totalité. Celle ci se tenait face à moi, à bien cinq mètres si j'en jugeais la distance. Pourtant, je n'arrivais pas à avancer, je ne voulais pas avancer car au delà de cette forme noire, seule une marque sur le visage de celle ci m'était perceptible. Une marque tellement familière que cela m'en donnait froid dans le dos, me tétanisait à ne plus pouvoir y penser. Cette lumineuse cicatrice que j'avais appris à redécouvrir jour après jour, c'est la sienne, c'était son visage. Je touchais légèrement ma joue, passant mes doigts qui sentaient celle ci à leur touchés, comme si je caressais sa propre peau. Je n'avais pas besoin de parler, je savais que malgré lui, il comprenait, qu'il comprendrait. Je ne faisais plus attention aux alentours, si bien que ceux ci me semblaient maintenant inexistants, d'un gris chaleureux, moite et durci par le temps. J'avais fait un pas, puis deux, sans réellement sentir l'envie de le retrouver. A mes yeux, il était déjà près de moi, il était déjà en moi. Et ce n'était qu'un rêve.

Je marchais seul, comme toujours. Comme souvent. Dans un décors que je ne connaissais pas, décors que je n'étais pas sûr d'apprécier. Il avait tout d'un décor idéal, ces décors que l'on voit dans les films. Pourtant je m'en méfier. Mes pieds étaient nues et frappaient le sol à chacun de mes pas. Aucune douleur n'était ressentie. Je marchais plus vite. Toujours plus vite. Je cherchais quelque chose mais je ne pouvais encore dire quoi exactement. Il m'était impossible de définir ou d'expliquer ce que je recherchais ici. Je finirai par le découvrir, c'était une conviction. Une évidence qui se présenterai à moi en temps voulu. L'air était presque irrespirable, il faisait étouffant ici. J'aperçu alors un ruisseau et décidai d'y plonger les mains. Je rejoignis l'eau clair très rapidement et mes mains y firent plongées. Alors que je m'attendais à y trouver de la fraîcheur, je fus surpris de voir que l'eau aussi était chaude. Anormalement chaude. Je devais continuer mon chemin. C'est alors que je le vis. Il était devant moi et déboutonnait sa chemise. Je ne le regardais pas, non je le contemplais. Je le contemplais comme je contemple une oeuvre d'art dans un musée. Il avait capté tout mon attention. Je fus apaisé. Sans pouvoir l'expliqué. J'étais apaisé de sa présence. L'air était beaucoup plus respirable que celui que je respirais quelques secondes auparavant. Je le vis toucher sa joue et ce fût comme si il me touchait moi; Je sentis ses doigts glissés sur ma cicatrice et ce, malgré la distance qui nous séparaient encore tout les deux. Je fermais les yeux un cours instant, très court moment. Profitant de la sensation que me procurait ses doigts sur ma peau. «Angus ?» Murmurais-je doucement persuadé qu'il entendait mes paroles, même à voix basse. Je passais à mon tour ma main sur ma joue. Pourquoi était-il là ? Et pourquoi semblait-il réellement être mon évidence ? Pourquoi semblait-il être l'objet de toutes mes recherches. Je m'avançais, d'un pas seulement. Ne le quittant pas du regard. Le reste du monde avait perdu toute son importance. « Je ... » les mots ne me venaient pas, ne coulaient pas fluidement. Je ne savais quoi lui dire à vrai dire. Devais-je le questionner ? Aurait-il les réponses aux diverses questions qui bouleversaient sans arrêt mon esprit. Ces questions qui ne me quittaient jamais et que jamais je ne posais. Saurait-il m'aider ? «Qu'est-ce que tu fais là ? » Ma voix n'était guère plus forte que lorsque j'avais murmuré son prénom. Tout semblait tellement calme ici. J'étais perdu, désorienté. Pas de sa présence mais simplement de la signification que celle-ci pouvait avoir pour moi. Que faisait-il là ? C'était la première de mes questions. J'avais laissé cette fois, toutes mes certitudes derrière moi.

Je ne savais pas... plus comment réagir. Il s'avança un peu plus et je pus enfin percevoir les moindres de ses traits. Sans que je n'en sache réellement la raison, une imposante ombre avait pris le dessus sur lui quelques instants avant de finalement s'évaporer lorsqu'il avait enfin posé ses yeux sur moi. Il me scrutait, littéralement, ces pupilles auraient pu me détruire à l'instant même, d'un simple battement de cil. Je fis un second pas en sa direction alors qu'il murmurait mon nom « Angus ?» c'était bien moi, j'étais la personne qu'il pensait voir, sans que je n'en sache réellement la raison. Peut-être n'était-il qu'une illusion et que je rêvais seul, ou en compagnie d'un démon, tenté qu'ils puissent réellement rêver. Mais je ne répondis pas, non, ça aurait été bien trop simple et il savait que je n'étais pas quelqu'un d'autre, il pouvait aisément le lire à mon faciès enfantin, à cette moue dépressive sur mon visage qui avait l'habitude de s'y balader, ou même à ces mains qui ne cessaient de se triturer l'une l'autre. Un troisième pas. « Je ... » il eut un moment d’hésitation et j'en comprenais étrangement la raison. Ceci était son rêve, et non le mien, ou peut-être avait-il finalement pris le dessus. Une rose craqua sous mon pied alors que le décors ne cessait de changer. On aurait dit une esquisse, un brouillon les formes n'étaient que maladroites, courbes non terminées et traces de pourritures, saleté dans les coins. C'était lui, il avait pris l'habitude de dessiner, et non moi. Le vent s'était légèrement levé, faisant valser ces traits au grès de ses envies sans penser aux conséquences. Ma chemise frappait mon torse en des gestes denses alors que mon visage restait rivé en sa direction. « Qu'est-ce que tu fais là ? » devais-je réellement répondre, devais-je réellement prononcer ces quelques mots dont il connaissait déjà la signification ? Il avait cherché sa liberté tellement longtemps, tellement patiemment que ça m'en rendait malade. Je ne savais pas réellement si j'étais celui qu'il avait recherché ou même si mes traits n'allaient pas changer d'un moment à l'autre, toujours est-il que je me contentais de contempler son visage, telle une statue de marbre, une expression rassurante, imperceptible. Je fis un quatrième pas, mais sans que je ne comprennes réellement, c'était comme si j'en avais fait une dizaine. Nous étions pour le coup l'un en face de l'autre, à quelques vingt centimètres et je ne savais quoi lui répondre, je ne savais pas ce qu'il voulait, peut-être que lui non plus au final. J'avais peur et cela se reflétait sur le reste du monde qui avait pris un couleur bleue nuit, déchirée par des craquements blancs. Pourtant, seulement son corps semblait ne pas bouger, il ne pouvait pas bouge,r je ne le voulais pas, il n'en avait pas le droit. Je n'osais faire aucun mouvement, ne prononcer aucune parole de peur de l'effrayer, de peur qu'il ne me quitte un peu plus, qu'il me laisse dans ce monde qui m'était totalement étranger, qu'il ose ne serait-ce qu'une seconde détourner ses yeux de mon regard. Dix centimètres, c'était ce qui nous séparait à présent alors qu'aucun de nous ne semblait avoir fait de pas en avant. Non, c'était une envie, un désir réciproque, peut-être même inconscient. Du moins, pour lui.