HARVEY NEWTON HAYDON ©CARIBOU

WE'RE ALL FUCKING MAD HERE. « Misael, tu vas te bouger, je te le promets, tu vas bouger des petites fesses bien moulées dans ton jean taille basse. Tu vas voir, tu vas pas comprendre ce qui t’arrive. Une gifle, une bien belle, dans ta p’tite gueule, ça va te faire du bien, ça va te remettre les idées en place. Finie la paresse, fini le petit sourire en coin, fini le sifflotement innocent. Fini tout ça. Tu vas devenir un homme, un vrai, un mec qui sait ce qu’il veut, qui fait tout pour y arriver. Qui a de l’ambition. C’est bien beaux les idéaux, mon mignon, c’est bien beau d’ouvrir sa bouche pour crier haut et fort qu’on fera tout pour que ce soit meilleur, plus tard, un jour. Faut le faire. Maintenant. Pas demain. Arrête de regarder la vie passer par ta fenêtre, fumant ta clope avec nonchalance. Ca me dégoûte de te voir aussi mou. Tu fais rien de ta vie. Rien. Tu dis que tu es fort, que tu es grand, que tu es indépendant, mais au fond, on s’est très bien tous les deux que c’est faux. Terriblement faux. Tu te caches sous une confiance qui n’existe pas. C’est de la fumée cet air toujours à l’aise. Parce qu’à l’intérieur, tu veux juste que les ennuies t’évitent. Tu ne souffres pas, mais tu es en perpétuel malaise. Tu voudrais tout contrôler. Mais tu crois quoi ? Que tout te passera en travers ? Que si tu ne regardes pas, si tu fais semblant de ne pas comprendre, si tu restes les bras ballant, rien ne t’arrivera ? C’est tellement faux. Tu te goures, et bien en plus. Bordel, ouvre les yeux ! Ouais, c’est ça, fais moi ton petit sourire en quoi. Moque-toi. Tu comprends rien. T’es aveugle et con. Mais tu ne pourras pas dire que je ne t’ai pas prévenu. Que je ne t’ai pas dit que tout ce que tu es en train de faire c’est briser le peu de chance que tu as d’évoluer, en bien. En tellement mieux. » dixit maman.

caribou (camille) →

dix-sept ans →

trois jours sur sept sûr de sûr →

une vraie merveille, vraiment. on peut difficilement résister.

©TUMBLR

DREAM. Un grand lac bordé d’une forêt de conifères. Les grands pins semblaient vouloir atteindre le ciel, toujours plus haut, toujours plus prêt. Mes yeux cherchaient leur cime, la tête basculée vers l’arrière, la bouche entrouverte. La rétine brûlée par le soleil, je posais mon regard sur l’eau limpide qui venait lécher mes pieds nus. Des ronds difformes couleur fuchsia venaient colorer le décor. J’étais saisi par le calme des lieux. C’était nouveau. Jamais encore je n’avais pu apprécier le silence. Je me laissais tomber sur le sol, les bras écartés, mais impressionné par le ciel trop bleu, je me recroquevillais sur moi-même dans l’instant. Les bras autour de mes genoux, la tête posée dessus, je contemplais.
Soudain, j’entendis des rires. Aigüe, retenu, léger, rauque, jaune, naïf. Le son se propageait sur la surface lisse, produisait des ondes circulaires, qui doucement s’effaçaient pour laisser la place à d’autre. J’étais subjugué, autant par le bruit que par l’image qui s’y rapportait sous mes yeux. Des rires comme des petites pierres faisaient des ricochets. Doucement, pour ne pas briser l’instant magique, je me dépliais. De mon pied nu, je caressais la surface. Je déposai mon pied plus franchement, me rendis compte que je ne m’enfonçais pas, posai le deuxième, ris en sautant sur un pied puis l’autre, produisant moi aussi des ondes.
Alors que je m’amusais toujours, sautant à pieds joins, à cloche pied parfois, je n’avais même pas remarqué que le fond sonore s’était amplifié. Loin d’être insupportable, cela me plongeait un peu plus dans mon délire, joignant mon rire aux leurs, riant à gorge déployé, les larmes aux yeux, le cœur au bord des lèvres. Je m’effondrais, tremblant, me mordillant la lèvre jusqu’au sang, convulsant de hoquet de rire.
Puis plus aucun bruit. Le vide. Le retour à l’état initial. Mais j’avais l’impression d’être totalement purifié, j’étais dans le stade extrême de la plénitude, vidé de toute émotion, juste l’extase de la sérénité. Le calme parfait. Mon corps s’enfonçait dans l’eau froide, et bientôt j’étais totalement englouti. Les yeux encore ouverts, je cherchais la cime des pins.

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NIGHTMARE. J’avais envie de pleurer. Mais rien, rien sur mes joues, rien dans mes yeux. Même pas un sanglot, même pas un reniflement. C’était à l’intérieur. C’était encore plus déchirant. Ca ne tue pas de ne pas pouvoir pleurer, non, ça déchire, ça meurtrie, ça étrangle, ça lacère. Mais ça ne tue pas. Je me force, j’essaye de gémir mon âme par ma bouche. De tout faire sortir. Mais rien, pas même un bruit étranglé, pas même une plainte violente, pas même un cri. Le silence profond qui fait éclater le tympan, parce que c’est bien trop. Il n’éclate pas de l’extérieur, il éclate de l’intérieur. Parce qu’à l’intérieur, c’est la fanfare du gémissement, c’est l’orchestre de la douleur, c’est la foire aux jérémiades, c’est le feu d’artifice de la violence. Mais juste à l’intérieur. Et dehors, juste là, sur mon visage, dans mes yeux, entre mes lèvres, rien. J’étais placide. Terne, même.
A quoi ça sert d’avoir un corps, si ce n’est pas pour faire sortir ce qu’il y a dedans. Ma main empoigne mes cheveux, et tire, encore et encore. L’autre atterrit sur mon torse, et griffe, encore et encore. Pas une seule goutte de sang ne coule entre mes ongles, entre mes côtes. J’arrache mes cheveux par poignée, mais toujours ils repoussent, comme une invitation à continuer. Et je me rends compte alors que je ne peux pas ressentir la douleur physique. Pourtant, elle aurait été libératrice, à bien des égards. Tout ce qui est tangible, c’est ce feu dévastateur au fond de moi. Dans mes tripes.
Une goutte s’écrase sur mon front. Je lève les yeux au ciel. Il pleut. Je hais la pluie. Les gouttes glissent le long de mon visage, pareil à des larmes. Et je me sens d’autant plus mal que je ne peux même pas y accompagné l’eau salée de mes pleures. J’enrage. Je griffe plus fort. Je passe mes mains sur mon visage avec frénésie, tentant en vain d’y faire disparaître le pluie. L’air est humide, ça m’asphyxie.

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FANTASY AND REALITY. Sa main qui caresse ma peau, son souffle qui frôle ma nuque, ses cheveux qui glissent sur mon torse, son parfum qui m’enivre, sa chaleur qui m’enrobe, sa présence qui me rassure, son pied qui remonte mon mollet, son nez qui effleure ma joue, son rouge à lèvre qui me macule, son rire qui inonde la pièce, sa délicatesse qui me dévaste, sa légèreté qui m’envoute, son regard qui m’achève, sa taille qui m’affole, ses gestes qui m’ensorcellent, sa robe qui traîne.
C’est un instant volé. L’après. Mon moment préféré avec l’avant. Le moment où l’on se cherche, le moment où l’on se délecte du passé. J’ai les yeux fermés. Je vis cet instant en aveugle. Je préfère imaginer. C’est plus beau comme ça, plus comme je veux. Ses doigts légers font des cercles sur mon abdomen. Je peux me contenter de ça. Je n’ai pas besoin du ‘pendant’. Il est devenu commun. Il est devenu normal. Mais là, maintenant, c’est l’exceptionnel. C’est l’instant fragile.
Je retiens mon souffle. Je sens mon cœur s’accéléré. Ses caresses s’estompent. Sa présence se disperse. Sa froideur laisse place à la tiédeur. Son parfum s’évapore. Son rouge à lèvre se ternit. C’est l’instant que je déteste. J’ouvre les yeux. Je regarde de côté. Evident. Elle dort. C’était faux, encore. Mais dans un instant de folie, je me dis que peut-être elle a été douce, tendre, et que je me suis endormi. Le plaisir d’une douceur qui transcende mon âme, qui me fait frissonner, qui me fait recommencer encore et encore l’instant de débauche, toujours dans l’attente, dans l’espoir, du ‘après’. D’un vrai après. Que je suis incapable de réclamer.
Dégoûté, je me lève, je m’habille, je m’éloigne. Je me retourne, et je vois son sourire. Ai-je rêvé ? Mais c’est trop tard maintenant, je suis déjà debout. Je m’en vais.