Brynja Jónbjarnardóttir ©COPYRIGHT

WE'RE ALL FUCKING MAD HERE.

«

Elze,

Elze, pourquoi n’es-tu plus là ? Si tu savais comme je regrette le temps où nous étions ensemble. Tout me paraissait si simple. Je n’avais pas compris à quel point tu étais compliquée, je n’avais pas vu à travers le masque que tu gardes constamment sur toi. Je ne percevais que ce que tu voulais que je vois. Je m’excuse, Elze, peut-être aurais-je dû faire un effort, ne pas m’en tenir à ce que tu me laissais apercevoir. Mais c’est ta faute, à toi aussi. Tu ne devrais pas te cacher derrière cette apparence. Quand on te regarde sans te connaître, on ne voit que ton côté superficiel. Tu te places toujours au centre de l’attention, tu parles tout le temps et surtout tu es constamment entourée d’une foule d’amis. Mais ça ne me trompe plus. J’ai fini par remarquer à quel point tu étais secrète. Tu ne parles jamais de toi, si ce n’est pour dire des choses complètement inutiles, comme raconter ta journée passée à faire les boutiques. Mais la vérité, c’est que tu n’exposes jamais tes sentiments. Tu es seule, Elze, tellement seule que tu éprouves le besoin d’être au milieu d’amis, mais la vérité, c’est qu’aucun d’eux ne te connaîtra réellement. Beaucoup te traite d’allumeuse. C’est vrai, tu flirtes, toujours à faire des sous-entendus, mais ils ne savent pas que tu te défiles à chaque fois. Tu as toujours quelque chose qui t’empêche d’aller plus loin. Ce n’est qu’une apparence. Tes efforts sont vains, ton cœur reste si vide, rien ne parvient à atténuer ta solitude. Quelqu’un t’a-t-il seulement déjà vue pleurer ? Quelqu’un sait-il que tu n’es pas la fille forte et insensible que tu prétends être ? Car tu sais aussi bien que moi que tu es aussi fragile qu’une poupée de porcelaine. Tu te brises au moindre choc, tu t’envoles au moindre coup de vent. J’aurais aimé que tu m’ais fait assez confiance pour me permettre de te voir telle que tu es réellement. Mais tu ne l’as pas fait. Et maintenant, c’est trop tard. Cesse de laisser passer ces opportunités, laisse les gens t’approcher et apprendre à te connaître. Car tu en vaux la peine, Elze, je te le jure. Je sais que tu ne répondras pas, et que tu feras probablement comme si tu n’avais jamais posé les yeux sur cette lettre, comme si elle ne contenait pas une once de vérité. Mais au fond de toi, tu sauras qu’il y a au moins une personne sur cette terre qui a su déchiffrer ta façon d’être. Bonne chance, Elze.

»

(a) →

joker →

ça dépend →

on le connait déjà

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DREAM Toi, petite fille, tu grimpes sur les genoux de ton père qui accueille ta venue avec un grand sourire. « Lis-moi une histoire » tu réclames en lui tendant un livre de contes. Il le prend, l’ouvre, et dès qu’il commence à raconter, tu te sens transportée. Tu t’échappes du monde réel pour atterrir dans des contrées lointaines. Tu suis les aventures de Shéhérazade, les contes des milles et une nuit. Puis tu te lasses, ton père t’embrasse et te laisse redescendre. Tu cours voir ta mère qui fait la cuisine mais elle te chasse d’un coup de torchon, elle déteste t’avoir dans les pattes quand elle fait des gâteaux. Alors tu montes les escaliers quatre à quatre et te jette sur le lit de ta grande sœur après avoir ouvert sa porte à la volée. « Dégage » qu’elle te dit, mais tu répliques par un grand sourire en te roulant sur le lit. « Tu fais chier, Elze. » Nouveau sourire. Elle pousse un long soupir, finit par t’adresser un petit sourire et vient s’assoir à côté de toi. « Qu’est-ce qu’il y a ? » Tu fais la grimace. « Je m’ennuie. » Elle lève les yeux au ciel, dépose un bisou sur ta joue. « Bon, tu veux que je te coiffe ? » Tes yeux s’illuminent. « Et tu me maquilleras aussi ? » Elle ne parvient même pas à avoir un air blasé devant tant d’enthousiasme. « Oui. » Elle attrape sa brosse, des pinces et se met derrière toi. Elle passe doucement sa main dans tes longs cheveux blonds et tu te sens bien. L’odeur des gâteaux de noël juste cuits parvient à tes narines. Un grand sourire apparait sur tes lèvres. Tu es enveloppée dans un cocon de douceur. Tu es à l’abri. A l’abri de tout. A l’abri du monde, à l’abri des autres, à l’abri de toi-même, aussi. Tu es comme une chenille attendant de te transformer en papillon. Tu es la chrysalide. On te promet un futur radieux. Un futur où tu ne risquerais plus rien. Un futur où le vide en toi aurait disparu. Définitivement. Tu n’as plus à t’inquiéter de quoi que ce soit, rien ne peut plus t’arriver désormais. Tu vas bien. Tout ira bien.

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NIGHTMARE. Sans que tu comprennes comment tu es arrivée là, tu te sens dégringoler. Tu tombes d’une chute sans fin. Tu glisses le long d’un étrange toboggan. Tout est gris, des objets étranges semblent dépasser des parois mais tu n’as pas le temps de les voir. Jusqu’à ce que ta chute se stoppe net. Dans l’élan, tu te retournes et te retrouves la tête la première. Ta cheville semble s’être prise dans une racine, et tu t’efforces de te redresser pour pouvoir défaire son emprise. Tu tentes de desserrer son étreinte lorsque tu réalises. Ce n’est pas une plante qui te retient. C’est une main décharnée dont les doigts agrippent ta cheville. Tu hurles, gesticules, et elle finit par te lâcher brusquement, si bien que tu glisses encore plus vite pour finir par t’écraser en bas. Tu te relèves tant bien que mal, les membres endoloris. Les couleurs macabres du funeste décor te font frissonner. Tu constates que tu te trouves dans une étrange atmosphère. La lumière blafarde des néons ne parvient pas à éclairer le tunnel. Tu te demandes ce que tu fais là. Tu prends une inspiration et décides toutefois de continuer à avancer. Tu serres tes bras autour de toi, hésitante. Et effrayée. Tu n’aimes pas la malsainité de ce lieu dénué de tout espoir. Il te semble entendre un rire sardonique au loin. Tu te retournes mais n’aperçoit personne. Tu détestes ce lieu gangréné. Des pas se rapprochent pour laisser apparaître un étrange individu. Bien habillé, des cheveux blonds, un gentil sourire et des grands yeux bleus. « Tu es perdue ? » Tu acquiesces silencieusement, ne pouvant t’empêcher de le dévisager. « Je vais t’aider à chercher la sortie, si tu veux. » Tu lui offres un sourire timide et tu prends la main qu’il te tend. Vous marchez. Longtemps. Il bavarde gaiement avec toi et tu ne fais pas attention au paysage qui défile sous tes yeux. « C’est encore loin ? » tu lui demandes finalement. Il ne répond rien alors tu te tournes vers lui. Ses cheveux ont noirci et se sont allongés, ses yeux d’un bleu si pur sont d’un noir sans fin, sur ses lèvres trônent un sourire en coin. « Je, je pense que je vais me débrouiller toute seule. Mais merci. » Un rire narquois s’échappe de ses lèvres entrouvertes. « Toi, tu restes là. » Il attrape ton bras et le serre. « Tu me fais mal, arrête. » Il t’observe avec un regard moqueur, comme si c’était justement son but. Tu cherches désespérément un moyen de t’en sortir. Tu attrapes une pierre et le frappes à la tête. Surpris, il se recule et manque de tomber dans le précipice. Tu t’échappes. Tu t’enfuis pour mettre le plus de distance possible entre vous. Sa voix retentit au loin « Tu crois vraiment pouvoir m’échapper ? » suivie de près par son rire machiavélique. Alors tu cours, petite fille, tu cours pour échapper au croque-mitaine. Tu ne peux pas t’arrêter, alors tu continues de courir. Piégée pour l’éternité dans les tunnels. Il parait que tu cours toujours.

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FANTASY AND REALITY Comme un serpent lors de sa mue, ta peau se craquelle et se déchire. Tu sors de ce corps, plus imposante que jamais. Tu renais de tes cendres, tu t’élèves majestueuse. Tu laisses tomber l’ancienne Elze, comme on se débarrasse d’une mauvaise habitude. Tu allumes le tourne-disque et la musique retentit. Tu virevoltes dans des mouvements gracieux, te laissant porter par la mélodie. Elle accélère, tu tournes plus vite. Ta robe volette autour de toi, t’accompagnant dans chacun de tes mouvements. Tu sais que ça va le bruit va l’attirer. Tout ce qui vit l’attire. Mais tu t’en fiches. C’est justement le but. Il arrive aussi vite que tu l’avais escompté. Il te propose sa main que tu saisis avec assurance. Tu l’entraines dans ta danse macabre. Un sourire se dessine sur tes lèvres d’un rouge pur. Tu écrases ta bouche contre la sienne. Tu enfermes ta répulsion dans un coin de ton esprit, tu n’éprouves rien d’autre qu’une vile satisfaction lorsque tu le vois tomber dans ton piège aussi facilement. Ses mains fébriles parcourent ton corps et tu ne trésailles même pas à son contact. Tu n’as qu’à le souhaiter, et un couteau apparait entre tes doigts. Tu te détaches de lui et le fait assoir sur le fauteuil. Sourire en coin. Tu fais glisser ton doigt le long de son torse. Il ne voit pas le couteau, il ne voit pas le coup venir. Sauvagement, ton poignard vient se figer dans sa poitrine lorsque les violons reprennent. Tu l’enlèves et l’y replonges sans ciller. L’écarlate t’éclabousse. Tu as laissé la délicatesse avec l’ancienne Elze. Plus rien ne te fait peur. Rien n’y personne. Il peut toujours essayer de t’atteindre vainement. Il n’y arrivera plus. Tu es intouchable. Tu es forte. Tu n’as besoin de personne. Tu n’hésites plus à te salir les mains. Il ne reviendra pas. Tu tues le croque-mitaine.